11 Fév 2016

Dirigeants de sociétés : comment échapper à la taxe sur les salaires en toute légalité ?

La taxe sur les salaires est un vieil impôt créé en 1948, mais est-il un bon impôt ?
Cet impôt passe relativement inaperçu dans le paysage fiscal français car limité à un nombre restreint de contribuables. Ce sont essentiellement les secteurs bancaires, de l’assurance, hospitalier, associatif et les holdings qui sont visés par cette taxe car ces activités ne sont pas concernées totalement ou partiellement par la TVA. Un peu plus de 175.000 entités ont acquitté cette taxe en 2013 pour environ 13 milliards d’euros (6 fois moins que l’impôt sur le revenu).
Le calcul de la taxe sur les salaires s’effectue salarié par salarié au moyen d’un barème progressif comportant un taux normal (4.25 %) et des taux majorés (4.25 %, 9.35 % et 15.75 %) en fonction du montant du salaire. Ainsi, le taux moyen sera d’environ 10 % pour un salaire brut annuel de 30.000 €.

Le Conseil d’État a tranché, par deux arrêts en date du 21 janvier 2016 (n°388989 : arrêt Juliane et 388676 : arrêt Sovaro), sur l’épineuse question des rémunérations de dirigeants de sociétés ayant la qualité de mandataires sociaux au regard de la taxe sur les salaires.

A propos de l’arrêt Juliane, et si vous avez eu un goût prononcé pour la littérature des attendus de la Haute assemblée, alors délectez-vous avec le passage en italiques situé à la fin de cet article. Sinon ne le lisez pas et contentez-vous de la conclusion :

Il résulte des travaux parlementaires de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, que le législateur a entendu rendre l’assiette de la taxe sur les salaires identique à celle de la contribution sociale généralisée, sous réserve des seules exceptions mentionnées à la première phrase du 1 de cet article 231. Il en résulte donc que sont inclus dans l’assiette de la taxe sur les salaires les revenus d’activité des personnes mentionnées à l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale. Ce dernier article mentionne notamment, à ses 11°, 12° et 23°, les gérants minoritaires des sociétés à responsabilité limitée, les présidents du conseil d’administration, directeurs généraux et directeurs généraux délégués des sociétés anonymes et les présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées. Ces dirigeants, sans avoir la qualité de salarié au sens du droit du travail, sont au nombre des personnes dont les rémunérations sont soumises à la taxe sur les salaires en vertu de l’article 231 du code général des impôts.

Mais alors comment échapper à la taxe sur les salaires en toute légalité ?

1ère solution : être TNS

Les rémunérations des dirigeants de sociétés qui ne sont pas mentionnés à l’article L 311-3 précité (gérants majoritaires de SARL, associés gérants d’EURL, membres du directoire et administrateurs provisoirement délégués de SA, etc.) sont exclues de l’assiette de la taxe sur les salaires. Encore une bonne raison d’être TNS !

2ème solution : percevoir des dividendes une année sur deux

Les holdings animatrices de groupe dont les dirigeants sont salariés peuvent aussi éviter la taxe sur les salaires en percevant des dividendes une année sur deux. En effet, échappent complètement à la taxe sur les salaires au titre des rémunérations des dirigeants versées une année n :
– non seulement les employeurs dont toutes les recettes de l’année n sont taxables à la TVA,
– mais aussi les employeurs partiellement taxables à la TVA l’année n, dès lors qu’ils étaient taxables à la TVA l’année précédente (année n – 1) sur 90 % au moins de leurs recettes.
Ce second scénario est à manier avec subtilité pour éviter l’abus de droit !

« Dans un contexte de lutte contre le chômage et de reprise de la croissance, la réduction du coût du travail apparaît comme un enjeu majeur de la société française. Les poids extérieurs au marché de l’emploi, particulièrement fiscaux, constituent des freins dans le processus de décision de création d’emplois par les entreprises. »
Cette conclusion totalement d’actualité est extraite d’un rapport du Sénat du 10 octobre 2001, à propos de la nécessaire réforme de la taxe sur les salaires. Or, depuis la sortie de ce rapport, en guise de réforme, le poids de la taxe sur les salaires a doublé en 15 ans (elle est, par exemple, notamment due sur l’abondement PEE ce qui est une aberration !).
Échapper (en toute légalité) à la taxe sur les salaires devient donc un geste citoyen nécessaire à la croissance de nos entreprises !

 

 

1. « Considérant qu’aux termes de l’article 231 du code général des impôts :  » 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l’exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l’entremise de l’employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, sans qu’il soit toutefois fait application du deuxième alinéa du I et du 6° du II du même article. Cette taxe est à la charge des entreprises et organismes qui emploient ces salariés (…)  » ; que l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale dispose :  » I.- La contribution est assise sur le montant brut des traitements, indemnités, émoluments, salaires, allocations, pensions y compris les majorations et bonifications pour enfants, des rentes viagères autres que celles visées au 6 de l’article 158 du code général des impôts et des revenus tirés des activités exercées par les personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3. (…)  » ;

2. Considérant qu’aux termes du paragraphe 40 de l’instruction fiscale publiée le 22 janvier 2014 au bulletin officiel des impôts sous le n° BOI-TPS-TS-20-10-20140122 :  » Entrent également dans l’assiette de la contribution sociale généralisée et donc de la taxe sur les salaires : (…) – les rémunérations versées aux dirigeants de sociétés désignés à l’article 80 ter du code général des impôts  » ; que la société Juliane demande l’annulation de ce paragraphe au motif qu’il élargirait le champ d’application de l’article 231 du code général des impôts en incluant, dans l’assiette de la taxe sur les salaires, les rémunérations versées aux dirigeants de sociétés, alors que ces derniers n’ont pas la qualité de salarié ;

        3. Considérant qu’il résulte des travaux parlementaires de l’article 13 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, dont est issu l’article 231 du code général des impôts, que le législateur a entendu rendre l’assiette de la taxe sur les salaires identique à celle de la contribution sociale généralisée, sous réserve des seules exceptions mentionnées à la  première phrase du 1 de cet article 231 ; qu’en vertu des dispositions combinées de cet article et de l’article L. 131-2 du code de la sécurité sociale, sont inclus dans l’assiette de la taxe sur les salaires les revenus d’activité des personnes mentionnées à l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale ; que ce dernier article mentionne notamment, à ses 11°, 12° et 23°, les gérants minoritaires des sociétés à responsabilité limitée, les présidents du conseil d’administration, directeurs généraux et directeurs généraux délégués des sociétés anonymes et les présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées ; que, contrairement à ce que soutient la société Juliane, ces dirigeants, sans avoir la qualité de salarié au sens du droit du travail, sont au nombre des personnes dont les rémunérations sont soumises à la taxe sur les salaires en vertu de l’article 231 du code général des impôts ; que, par suite, le paragraphe 40 de l’instruction attaquée ne méconnaît pas les dispositions de cet article en tant qu’il inclut les revenus des dirigeants visés à l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale ; que toutefois, les dirigeants de sociétés  mentionnés à cet article ne constituent qu’une partie des dirigeants visés par l’article 80 ter du code général des impôts ; que, par suite, le paragraphe 40 de l’instruction attaquée est illégal en tant qu’il inclut dans l’assiette de la taxe les rémunérations des dirigeants visés par l’article 80 ter du code général des impôts mais qui ne sont pas mentionnés à l’article L. 311-3 du code de la   sécurité sociale ; qu’il doit, par suite, être annulé dans cette mesure. »

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