Depuis plus de 15 ans dans le domaine de la fiscalité d’entreprise, je constate régulièrement les difficultés que rencontrent les indépendants face aux organismes de protection sociale. L’une des problématiques récurrentes concerne la régularisation des cotisations de retraite complémentaire à la CIPAV. Cette caisse, qui gère la retraite de nombreux professionnels libéraux, a longtemps appliqué une méthode de calcul contestable, avant de modifier sa pratique suite à plusieurs décisions judiciaires. Voici ce que vous devez savoir sur ce sujet crucial pour optimiser votre protection sociale.
Comprendre le mécanisme de régularisation de la CIPAV #
Pendant de nombreuses années, la CIPAV a calculé les cotisations de retraite complémentaire sur la base des revenus N-1, sans procéder à une régularisation ultérieure sur les revenus réels de l’année N. Cette pratique contrastait avec celle appliquée pour le régime de base, où une régularisation était systématiquement effectuée.
Cette méthode de calcul posait un problème majeur : en cas de baisse significative de revenus, les indépendants continuaient à payer des cotisations calculées sur leurs revenus antérieurs plus élevés. J’ai accompagné plusieurs entrepreneurs qui se sont retrouvés dans cette situation délicate, notamment lors de la crise sanitaire.
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Le fondement juridique est pourtant clair : un décret du 21 mars 1979 prévoit explicitement que « la cotisation du régime d’assurance vieillesse complémentaire est obligatoirement due dans les mêmes formes et conditions que la cotisation du régime de base ». De surcroît, l’article L.131-6-2 du Code de la Sécurité Sociale stipule que les cotisations doivent faire l’objet d’une régularisation lorsque le revenu définitif est connu.
La jurisprudence a confirmé cette interprétation, notamment avec l’arrêt Nicolas du 15 juin 2017 où la Cour de cassation a statué que les cotisations de retraite complémentaire calculées provisoirement doivent être régularisées une fois le revenu professionnel définitivement établi.
Période | Calcul retraite de base | Calcul retraite complémentaire |
---|---|---|
Avant 2021 | Revenus N-2 avec régularisation sur N | Revenus N-2 avec régularisation sur N-1 uniquement |
Depuis 2021 | Régularisation sur revenus réels | Régularisation sur revenus réels |
Les droits de réclamation pour les périodes antérieures à 2021 #
Suite à un changement de pratique annoncé dans son guide 2021, la CIPAV indique désormais : « Depuis le 1er janvier 2021, vos cotisations de retraite complémentaire font l’objet d’une régularisation au même titre que vos cotisations de retraite de base. » Cette modification s’aligne enfin sur la jurisprudence existante.
Mais qu’en est-il des périodes antérieures non prescrites ? Si vous êtes concerné, vous disposez de possibilités de recours pour obtenir la régularisation rétroactive de vos cotisations. J’ai guidé plusieurs professionnels libéraux dans cette démarche avec des résultats positifs.
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Voici les étapes à suivre pour réclamer votre dû :
- Adresser une réclamation écrite à la CIPAV expliquant votre situation
- En cas de refus ou d’absence de réponse, saisir la Commission de Recours Amiable (CRA)
- Joindre les justificatifs de vos revenus pour les années concernées
- Citer les fondements juridiques (décret de 1979, article L.131-6-2, jurisprudence)
- Si nécessaire, contacter le collectif CIPAV INFO pour obtenir de l’aide
Les chances de succès sont réelles. Récemment, un de mes clients a obtenu gain de cause auprès de la CRA pour la régularisation de sa cotisation 2019. Initialement classé en classe F sur la base de ses revenus 2018, il a été reclassé en classe B correspondant à ses revenus réels de 2019, nettement inférieurs, générant un remboursement substantiel qui a amélioré sa trésorerie.
Incidence financière de la régularisation sur votre situation #
L’impact financier de cette régularisation peut être significatif, particulièrement dans certaines situations. Si vous avez connu une baisse importante de revenus, l’absence de régularisation a pu vous coûter plusieurs milliers d’euros en cotisations excessives.
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Les cas les plus flagrants concernent :
- Les cessations d’activité où les revenus chutent brutalement
- Les réductions temporaires d’activité (congé parental, maladie)
- Les fluctuations importantes de chiffre d’affaires d’une année sur l’autre
- Les premières années d’activité suivies d’une stabilisation à un niveau inférieur
Il est utile de préciser que la régularisation peut également entraîner un supplément de cotisation si vos revenus ont augmenté entre N-1 et N. Dans ma pratique professionnelle, j’observe néanmoins que ce sont généralement les cas de baisse de revenus qui génèrent les écarts les plus importants.
Le coût d’un recours amiable reste limité à l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception à la CRA, ce qui représente un investissement minime par rapport au bénéfice potentiel. J’encourage systématiquement mes clients concernés à entamer cette démarche lorsque les montants en jeu le justifient.
La CIPAV a modifié ses statuts pour se conformer à la position de la Cour de cassation, mais les cotisants n’en avaient pas été clairement informés avant 2021. Cette situation souligne l’importance de bien connaître vos droits et de vous tenir informé des évolutions juridiques qui peuvent avoir un impact direct sur votre protection sociale et votre trésorerie.