Après 15 ans d’expérience en fiscalité d’entreprise, je constate régulièrement que la question de la déductibilité des cotisations sociales sur dividendes représente un enjeu majeur pour les dirigeants de sociétés. Cette problématique, particulièrement pertinente pour les gérants majoritaires de SARL et d’EURL, mérite un éclairage précis compte tenu de son impact sur l’optimisation fiscale et sociale. Je vous propose d’analyser les aspects essentiels de ce dispositif qui concerne de nombreux entrepreneurs.
Quels dividendes sont assujettis aux cotisations sociales ? #
Depuis le 1er janvier 2013, le traitement social des dividendes perçus par les gérants majoritaires de SARL (ou EURL) a considérablement évolué. De ce fait, la fraction des dividendes excédant 10% du capital social, des primes d’émission et des sommes versées en compte courant d’associé est désormais assujettie aux cotisations sociales des travailleurs non-salariés (TNS). Cette règle, instaurée par l’article L. 131-6 du Code de la Sécurité sociale, vise à éviter certaines stratégies d’optimisation.
En revanche, la part des dividendes inférieure à ce seuil de 10% reste uniquement soumise aux prélèvements sociaux au taux de 17,2%. Ce mécanisme crée donc deux régimes distincts pour les dividendes perçus par un même dirigeant.
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Les personnes concernées par cette mesure incluent :
- Les gérants majoritaires de SARL
- Les associés majoritaires non gérants exerçant une activité non salariée dans la société
- Les associés dont le conjoint ou partenaire PACS est gérant majoritaire
- L’associé mineur non émancipé dont le parent est gérant majoritaire
- Les associés uniques d’EURL travaillant dans leur entreprise
Pour déterminer cette fraction, je dois calculer le seuil de 10% sur le montant cumulé du capital social, des primes d’émission et des sommes en compte courant d’associé. Pour ce dernier, je retiens le solde moyen annuel de l’exercice précédant la distribution. Il faut noter que seuls les apports effectués personnellement par le gérant majoritaire sont pris en compte pour le calcul du capital social de référence.
La déductibilité des cotisations sociales confirmée par Bercy #
La question de la déductibilité fiscale de ces cotisations sociales a longtemps fait débat. Une clarification importante est intervenue avec la réponse ministérielle du 3 septembre 2020 (RM Frassa n°12909), qui confirme que les cotisations sociales dues sur les dividendes peuvent être prises en charge par la société et sont déductibles du résultat imposable à l’impôt sur les sociétés.
Cette position s’inscrit dans la continuité de l’arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2015 (n°13-22709). Pour que cette prise en charge soit validée, deux conditions cumulatives doivent être respectées :
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- La prise en charge doit être explicitement prévue par les statuts ou approuvée par l’assemblée générale, conformément aux articles L. 223-18 et L. 223-19 du Code de commerce.
- Les cotisations sociales doivent être assimilées à un élément de rémunération du dirigeant.
D’un point de vue fiscal, ces cotisations sociales prises en charge constituent un supplément de rémunération déductible du résultat imposable à l’IS sur le fondement de l’article 211 du CGI. En revanche, cette prise en charge représente un avantage en nature imposable à l’impôt sur le revenu pour le dirigeant, dans les conditions prévues à l’article 62 du CGI.
Il est utile de préciser qu’une fraction de la CSG-CRDS (2,9% sur le taux global de 9,7%) prise en charge par la société, bien que déductible de l’IS, reste imposable à l’IR en tant qu’avantage en nature.
Cotisations sociales sur dividendes | Déductibilité IS | Impact IR pour le dirigeant |
---|---|---|
Cotisations hors CSG-CRDS | Déductible | Imposable comme avantage en nature |
CSG-CRDS (part déductible) | Déductible | Imposable comme avantage en nature |
CSG-CRDS (part non déductible) | Déductible | Imposable comme avantage en nature |
La limite de la rémunération excessive #
Malgré cette possibilité de déduction fiscale, je dois attirer votre attention sur une limite majeure : la rémunération totale du dirigeant ne doit pas être excessive au regard des fonctions exercées. Cette rémunération comprend l’ensemble des rémunérations directes ou indirectes, indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais.
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Si l’administration fiscale estime que la rémunération est disproportionnée, elle peut demander la réintégration de la fraction jugée excessive dans le résultat imposable de l’entreprise. Cette requalification peut intervenir même si la prise en charge des cotisations sociales a été formellement approuvée par l’assemblée générale ou prévue dans les statuts.
Pour apprécier le caractère excessif d’une rémunération, je constate que l’administration tient généralement compte de plusieurs facteurs :
- La taille et la situation financière de l’entreprise
- Le secteur d’activité et les pratiques habituelles
- Le travail effectivement fourni et les responsabilités assumées
- La proportion entre la rémunération et les bénéfices réalisés
Dans ma pratique quotidienne d’accompagnement des dirigeants, je recommande toujours de documenter soigneusement les décisions relatives à la rémunération et de les justifier par des éléments objectifs, afin de prévenir tout risque de contestation.
Implications pratiques pour les dirigeants #
Sur le plan pratique, le régime fiscal des dividendes perçus par un gérant majoritaire se décompose en deux parties. La part des dividendes inférieure à 10% est soumise au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% (12,8% d’IR + 17,2% de prélèvements sociaux) ou, sur option, au barème progressif de l’IR avec abattement de 40%.
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La part des dividendes supérieure à 10% suit un régime hybride : elle est soumise à l’IR (soit au PFU de 12,8%, soit au barème progressif avec abattement de 40%) et aux cotisations sociales TNS (environ 45%). J’observe que le choix fiscal d’imposition (PFU ou IR au barème) n’a pas d’impact sur la déductibilité des charges sociales par la société.
Lors du versement des dividendes, l’entreprise doit retenir un acompte de 30% (PFU) sur la quote-part inférieure à 10% et un acompte de 12,8% (IR) sur la fraction supérieure à 10%. Cette dernière fraction sera ensuite soumise aux cotisations sociales au taux approximatif de 45%.
La prise en charge des cotisations sociales par la société peut s’avérer économiquement avantageuse pour le dirigeant, malgré l’imposition de l’avantage en nature correspondant. Cette stratégie mérite d’être étudiée dans le cadre d’une approche globale d’optimisation fiscale et sociale.