Gérant majoritaire ou minoritaire ?

Après plus de 15 ans passés à conseiller entrepreneurs et dirigeants, je constate que la question du statut du gérant en SARL reste souvent source de confusion. Majoritaire ou minoritaire ? Cette distinction peut sembler technique, mais elle impacte profondément votre protection sociale, votre régime fiscal et même votre pouvoir décisionnel. J’ai accompagné des centaines d’entrepreneurs dans cette réflexion stratégique, et je souhaite aujourd’hui partager avec vous les éléments essentiels pour faire un choix éclairé, adapté à votre situation personnelle et à vos objectifs professionnels.

La distinction entre gérant majoritaire et minoritaire en SARL #

Dans une SARL, le statut du gérant dépend directement de sa participation au capital social. Je distingue trois catégories principales :

Le gérant majoritaire détient, seul ou avec son entourage proche, plus de 50% du capital social (la moitié plus une part). Ce statut lui confère un pouvoir décisionnel considérable, mais l’inscrit dans un régime social spécifique.

À lire Responsabilité gérant SCI : Jusqu’où êtes-vous responsable ?

Le gérant minoritaire, quant à lui, possède moins de 50% des parts sociales. Sa position est plus fragile en termes de contrôle de l’entreprise, mais peut offrir certains avantages sociaux.

Enfin, le gérant égalitaire détient exactement 50% du capital. Son statut social s’apparente à celui du gérant minoritaire, mais sa position en termes de révocation se rapproche davantage de celle du majoritaire.

La détermination du statut ne se limite pas aux parts directement détenues par le gérant. En conséquence, le calcul prend en compte :

  • Les parts détenues personnellement en pleine propriété ou en usufruit
  • Celles appartenant au conjoint (indépendamment du régime matrimonial)
  • Les parts des enfants mineurs non émancipés
  • Les parts détenues par le partenaire de PACS
  • Les participations indirectes via des sociétés contrôlées
  • Les parts des autres co-gérants (la gérance formant un collège)

Je constate régulièrement dans ma pratique que cette agrégation familiale des parts sociales surprend de nombreux entrepreneurs, qui se découvrent parfois majoritaires sans l’avoir anticipé.

À lire Montage SCI holding : Avantages fiscaux et précautions juridiques

Quel régime social pour le gérant de SARL ? #

La distinction entre gérance majoritaire et minoritaire détermine avant tout le régime social applicable. C’est l’un des aspects que j’analyse le plus souvent avec mes clients, tant les implications sont importantes.

Le gérant majoritaire est considéré comme un travailleur non salarié (TNS) et relève de la Sécurité Sociale des Indépendants (SSI). Cette affiliation implique plusieurs particularités :

Il doit s’acquitter de cotisations sociales même en l’absence de rémunération (cotisations minimales), un point souvent méconnu qui peut peser lourd dans la trésorerie d’une entreprise en démarrage.

Les dividendes qu’il perçoit sont partiellement soumis à cotisations sociales lorsqu’ils excèdent 10% de la somme du capital social, des primes d’émission et des sommes versées en compte courant.

À lire Dissolution SCI familiale : Procédures, délais et conséquences fiscales

En revanche, le gérant minoritaire ou égalitaire est assimilé salarié et affilié au Régime Général de la Sécurité Sociale. Cette configuration présente d’autres caractéristiques :

En l’absence de rémunération, aucune cotisation n’est due, ce qui peut représenter un avantage significatif pour les structures en phase de développement.

Les dividendes perçus échappent totalement aux cotisations sociales, quelle que soit leur importance.

Critère Gérant majoritaire Gérant minoritaire/égalitaire
Régime social TNS (Sécurité Sociale des Indépendants) Assimilé salarié (Régime Général)
Cotisations sans rémunération Oui (cotisations minimales) Non
Traitement des dividendes Soumis aux cotisations au-delà de 10% Non soumis aux cotisations
Taux global de cotisations Environ 40-45% Environ 70-80%

En matière de protection sociale, j’observe également des différences notables. Le gérant majoritaire subit un délai de carence de 7 jours en cas d’arrêt maladie (contre 3 jours pour le minoritaire). Par ailleurs, un accident survenu dans l’exercice de ses fonctions ne sera pas qualifié d’accident du travail mais d’arrêt maladie classique.

À lire Coût annuel SCI familiale : Combien ça coûte vraiment en 2024 ?

Gérant majoritaire ou minoritaire ?

Pouvoirs et responsabilités selon le statut du gérant #

Au-delà des aspects sociaux, le statut détermine le pouvoir décisionnel et la sécurité du mandat. Dans mon expérience d’accompagnement des entrepreneurs, j’ai constaté que ces éléments pèsent souvent lourd dans la balance.

Le gérant majoritaire bénéficie d’une position dominante :

  1. Il peut prendre seul toutes les décisions de gestion courante (en Assemblée Générale Ordinaire)
  2. Sa révocation ne peut intervenir que par décision du tribunal pour cause légitime
  3. S’il détient plus des deux tiers des droits de vote, il peut même modifier les statuts

À l’inverse, le gérant minoritaire se trouve dans une position plus vulnérable :

À lire Apport en numéraire SCI : Comment ça fonctionne et quelles obligations ?

Il ne peut imposer ses décisions aux autres associés et doit composer avec eux. Sa révocation peut intervenir à tout moment par décision des associés à la majorité simple. Pourtant, si cette révocation intervient sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.

Le gérant égalitaire occupe une position intermédiaire : comme le majoritaire, il ne peut être révoqué qu’en justice pour cause légitime.

En matière de responsabilité civile, pénale et fiscale, tous les gérants sont logés à la même enseigne, indépendamment de leur statut. Je rappelle systématiquement à mes clients que ces responsabilités peuvent être engagées en cas de faute de gestion, d’infractions aux dispositions légales ou de manquements graves aux obligations fiscales.

Aspects pratiques et choix stratégique du statut #

Le choix entre gérance majoritaire et minoritaire relève d’une stratégie globale que j’élabore avec mes clients en fonction de leurs priorités. Certains entrepreneurs privilégient la protection sociale du régime général, d’autres le taux de cotisations plus avantageux du TNS, d’autres encore la sécurité du mandat.

Concernant la rémunération, je précise toujours qu’elle n’est pas obligatoire mais peut être fixée librement par les associés. Elle peut prendre diverses formes (fixe, variable ou mixte) mais doit rester raisonnable au regard des missions effectuées pour des raisons fiscales.

Un point souvent méconnu : aucun gérant de SARL ne cotise à l’assurance chômage par défaut. En revanche, un gérant minoritaire peut cumuler son mandat avec un contrat de travail (s’il existe un lien de subordination) et ainsi bénéficier de cette protection, option impossible pour le majoritaire.

J’ai également observé des configurations particulières : par exemple, un gérant minoritaire peut exercer simultanément comme micro-entrepreneur, alors que cette possibilité est fermée au gérant majoritaire. Ces subtilités méritent une analyse personnalisée de chaque situation pour optimiser votre statut en fonction de vos objectifs professionnels et personnels.

Claire Vignon

Claire Vignon est consultante indépendante en fiscalité d’entreprise depuis plus de 15 ans. Après avoir travaillé au sein de cabinets spécialisés et accompagné de nombreuses sociétés dans leur structuration juridique et fiscale, elle s’est tournée vers la vulgarisation et l’accompagnement personnalisé. Sur rolland-nino.fr, elle partage ses analyses précises et concrètes sur les statuts juridiques, les charges sociales, les régimes fiscaux avantageux et les dernières réformes. Son objectif ? Aider les entrepreneurs à naviguer dans le labyrinthe administratif français, sans jargon inutile, avec un regard critique, mais toujours constructif.