31 Oct 2023

Cumul emploi-retraite : une réforme en trompe-l’œil

Une des grandes avancées de la nouvelle réforme des retraites est la possibilité de liquider sa retraite une seconde fois.

D’après une étude de l’INSEE, en 2020, plus de 495 000 retraités bénéficiaient du cumul emploi-retraite.

Au 1e septembre 2023, les personnes retraitées continuant d’exercer une activité professionnelle pourront obtenir une seconde pension de retraite calculée selon les seules périodes cotisées. Évidemment, il faut obéir à certaines conditions :

  • avoir atteint l’âge légal de départ à la retraite ;
  • avoir liquidé l’ensemble des pensions de base et complémentaires ;
  • pouvoir justifier d’une carrière complète ou avoir atteint l’âge du taux plein (67 ans).

C’est ce que l’on appelle le cumul emploi-retraite (CER) intégral.

Le montant de cette nouvelle pension (de base) ne peut pas dépasser 5 % du montant annuel du plafond de la sécurité sociale. Pour l’année 2023, ce plafond est donc fixé à 2 199,60 € par an (soit 183,30 € par mois).

Les nouveaux droits constituent une seconde pension de retraite, mais sans majoration possible, ni supplément.

Pour que le CER soit productif de nouveaux droits à la retraite, la « poursuite » d’activité, lorsqu’elle a lieu chez le dernier employeur, doit intervenir au plus tôt 6 mois après la liquidation des pensions. Cette nouveauté, souvent très contraignante, s’applique à de nombreux profils concernés : salariés (secteur privé, secteur agricole et certains régimes spéciaux), fonctionnaires et contractuels de la fonction publique. Elle était jusqu’à présent applicable uniquement aux personnes qui bénéficiaient d’un CER plafonné. Cette obligation fait l’unanimité contre elle faute de justification économique. Va-t-elle vraiment durer ?

Prenons l’exemple de Monsieur OURO qui a été salarié toute sa carrière et qui a perçu chaque année le plafond de Sécurité sociale en vigueur.

Au-delà de 17 trimestres dans sa « seconde carrière », il ne lui servira plus à rien de cotiser car il aura atteint le plafond proposé par le régime de base :

43.992 € X 50 % X 17/172 = 2.174 € (proche du plafond de 2199.60 €).

Et du côté de l’AGIRC-ARRCO ?

À compter du 1er janvier 2024, les assurés en cumul emploi-retraite intégral pourront bénéficier d’une nouvelle retraite Agirc-Arrco. Ces droits seront constitués dans la limite du plafond annuel de la Sécurité sociale, fixé en 2023 à 43 992 €, soit un plafond mensuel à 3 666 €.

Monsieur OURO percevant une retraite de 27.600 € annuels, ses nouveaux droits AGIRC-ARRCO lui rapporteront chaque année 193 €. Ne dépassant pas 43.992 € de pensions issues des régimes obligatoires, il percevra bien ces 193 €.

On récapitule :

1e liquidation de retraite : 27.600 € (à 64 ans)

2e liquidation de retraite après 17 trimestres de cumul emploi-retraite (à 68 ans et 1 trimestre) :

  • retraite de base : 2.174 €
  • AGIRC-ARRCO :   820 €

Soit un total de 30.594 €.

Lors de la liquidation de sa seconde retraite, l’espérance de vie de Monsieur OURO sera d’environ 20 ans. Il espèrera donc percevoir au titre de sa seconde liquidation un supplément de retraite de : (2.174 € + 820 €) X 20 ans = 60.000 €

Durant ces 17 trimestres de salariat, il aura acquitté environ 41.000 € de cotisations sur son salaire et son employeur, 84.000 € soit un total de cotisations de 125.000 € pour un gain en retraite de 60.000 €. Le compte n’y est pas !

Et plus le salaire du cumulard est élevé, plus l’écart se creusera.

Il n’est pas sûr que le nombre des « cumulards », augmente significativement dans les prochaines années. Surtout lorsque l’âge légal de départ sera passé, en 2030, à 64 ans !

À trop vouloir restreindre cette mesure, le législateur n’aura pas atteint son objectif.

Les stratégies déployées ces dernières années avec une rémunération totalement versée sous forme de dividendes dans une SAS ou un changement de catégorie sociale continueront bon train.

Ecrire un commentaire