19 Déc 2015

L’ubiquité frustrante des associés de SEL

Les professionnels libéraux ont la possibilité de constituer des sociétés commerciales sous forme de sociétés d’exercice libéral depuis la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990.
Ces sociétés peuvent prendre les formes suivantes : société à responsabilité limitée (SELARL), société anonyme (SELAFA), société par actions simplifiée (SELAS) ou commandite par actions (SELCA). Leur imposition de plein droit à l’impôt sur les sociétés demeure l’un de leur principal attrait.

D’un point de vue social, nous devons distinguer trois catégories d’associés :
• Les mandataires sociaux qui relèvent du régime général de la Sécurité Sociale à l’exception des gérants majoritaires de SELARL ou les gérants de SELCA
• Tout comme les mandataires sociaux, les associés exerçant leur activité professionnelle avec un lien de subordination relèvent eux aussi du régime général de la Sécurité Sociale
• Quant aux associés exerçant leur activité professionnelle sans lien de subordination, ils relèvent du régime social des travailleurs non salariés.

Ainsi, certains dirigeants auront une double affiliation, comme par exemple le président de SELAS, qui sera socialement un salarié au titre de son mandat de président mais également travailleur non salarié au titre de son activité professionnelle. On aura donc tout intérêt à dissocier la rémunération du mandat social de celle de l’activité professionnelle. Une non-dissociation sera préjudiciable à la société pour le paiement, par exemple, de la taxe sur les salaires.

Mais d’un point de vue fiscal, la situation est toute autre. En effet deux réponses ministérielles (Cousin du 16 septembre 1996 et Lamour du 15 août 2006) précisent que l’associé d’une SEL n’exerce pas une activité indépendante, quel que soit son statut social.

Ainsi, les associés de sociétés d’exercice libéral (SEL), en l’absence de lien de subordination, et seulement eux, possèdent un certain don d’ubiquité. En effet, au plan social, ils sont affiliés au régime des non-salariés pour leur activité au sein de la société ; mais au plan fiscal, leur rémunération est soumise au régime des salaires.
Cette dichotomie entre le statut social et le statut fiscal a fait l’objet de plusieurs questions aux ministres. Celles-ci sont restées, à ce jour, sans réponse.

Mais cette contradiction a-t-elle des conséquences ? Est-ce grave docteur ?

D’un point de vue fiscal, cette contradiction emporte de nombreuses conséquences en matière notamment d’ISF, de CVAE, de TVA, de taxe sur les salaires, de taux de CSG sur les dividendes….
Mais également d’un point de vue social : l’associé de SEL sans lien de subordination relève du régime social des travailleurs non salariés et peut donc à ce titre souscrire des contrats Madelin. Mais étant « salarié » d’un point de vue fiscal, ces cotisations ne seront aucunement déductibles. Il serait temps qu’un effort de clarification soit conduit sur ce sujet qui concerne des milliers de professionnelles libéraux.
Pour aller plus loin, comme le préconise l’Institut de la Protection Sociale, une réforme moderne doit permettre aux dirigeants de sociétés et associés de SEL de choisir librement leur statut social et que ce statut social soit aligné sur le statut fiscal. Il n’est pas sain que la forme juridique d’une société continue d’être dictée par le statut social qu’elle impose.

Commentaires

  • Mario Sabatier
    19 octobre 2016 Répondre

    Merci pour cet éclairage. Un contrat de travail bien formalisé permettra-t-il de qualifier le lien de subordination ?

    • Rolland NINO
      21 octobre 2016 Répondre

      Le contrat est nécessaire mais pas suffisant. Le lien de subordination sera jugé à l’épreuve des faits.

  • Louis NOEL
    5 avril 2018 Répondre

    Je tombe sur votre article fort utile au milieu d’une quasi absence de documentation sur le sujet notamment pour le Président de SELASU. Merci !
    Finalement, le mieux n’est il pas de prévoir une absence totale de rémunération au titre du mandat social pour ne pas s’acquitter de la retraite du régime salarié ?

    • Rolland NINO
      6 mai 2018 Répondre

      c’est exactement cela

  • Christian
    6 juin 2020 Répondre

    Bonjour,

    Je tiens tout d’abord à à vous remercier pour les informations précises contenues dans ce blog .
    Je me permets de vous soumettre ma problématique.
    Je suis associé d’une SELAS à l’IS , n’exerce aucun mandat social, ne suis rémunéré que pour mes fonctions techniques. Je n’ai pas de contrat de travail mais une convention d’exercice et ne possède pas de clientèle personnelle. Je suis immatriculé au CFE en tant que personne physique exerçant une profession libérale.
    Je déclare mes revenus en traitements et salaires, comme il m’a été demandé de le faire, avec une déclaration classique 2042 Et non 2035. Jusqu’en 2015, les DSI contenaient bien la catégorie XM traitements et salaires dans laquelle j’indiquais mes revenus qui étaient ainsi exclus de l’assiette des cotisations. Cette case a été supprimée en 2016 et l’URSSAF a requalifié mes revenus des 3 derniers exercices en XG soit des rémunérations de gérance et ne réclame ainsi 3 années de rattrapage de cotisations. J’ai bien vu que le dernier arrêt de décembre 2017 qualifiait ces revenus de BIC Mais il n’a pas été intégré au BODAC et aucune réponse ministérielle n’a été apportée au problème du double statut des biologistes de SEL. Dans ces conditions, il me semble que l urssaf ne peut intégrer mes rémunérations techniques dans l’assiette des cotisations en les qualifiant de rémunérations de gérance. Pouvez- vous infirmer ou confirmer mon analyse ?
    En vous remerciant par avance.

    • Rolland NINO
      6 juin 2020 Répondre

      Bonjour, de manière succincte il convient d’analyser votre situation ainsi :
      – si lien de subordination : traitements et salaires
      – sinon BNC selon les dernières jurisprudence ou ART 62 selon la doctrine adminitrative.
      Votre situation particulière mérite une consultation. A votre disposition.
      Très cordialement,

  • Christian
    6 juin 2020 Répondre

    Merci pour votre réponse.
    Je vais contester leur décision, ne percevant aucune rémunération de gérance ni d’associé et ayant toujours déclaré en traitements et salaires en application de l article 62 du CGI , de la jurisprudence cousin et L’amour et de la loi du 31 décembre 90 sur les SEL.
    Je n’exerce pas en indépendant et suis bien soumis de facto à un lien de subordination.
    Même si l’absence de lien de subordination était reconnue et que l’URSSAF qualifie mes revenus de BIC en application de l’arrêt de décembre 2017, l’URSSAF ne peut rétroactivement appliquer cet arrêt de décembre 2017 à mes rémunérations antérieures à 2017 ( ils me réclament 2016) , en sachant que l’arrêt de 2017 n’a toujours pas été intégré au BODAC.
    J’aurai surtout une décision de justice clarifiant ma situation, qui me couvrira, si la problématique du double statut Fiscal et social des biologistes des SELAS n’est pas tranchée dans ces prochaines années, puisqu’aucune réponse n’a été apportée à ce jour malgré les nombreuses,saisines.
    Je ne manquerai pas de vous tenir informé de la décision rendu.

    Bien cordialement

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